Et si on surfait sur ce superbe concept à ce point tendance qui, j’en suis sûr, s’est déjà immiscé si souvent dans tes oreilles qu’elles en sifflent : les slashers.
Pour tout vous dire, le topic était en couverture du Trends-Tendance 2018 qui mettait à la une ces tonnes de Belges qui juxtaposent plusieurs métiers en même temps : tantôt tourneur-fraiseur, tantôt formateur, tantôt dentiste, tantôt chamane tantrique, tantôt auditeur, tantôt dresseur de tigres, …
Pourquoi choisir personnellement de prolonger encore la part de temps passé à produire une activité professionnelle ? Pour privilégier la passion d’entreprendre et d’être votre propre patron en plus de prester pour une entreprise qui vous propose une contrepartie pécunière appréciée, par exemple.
(Je vous rassure, s’en est fini des alitérations pour la suite de l’article)
Un » / » qui rassemble, plutôt que de séparer
C’est bien du » / » que vient le mot slasher : la barre oblique qui sépare des idées en les juxtaposant dans le texte. Ainsi, comme le dit wikipédia, si on peut le lire comme un symbole qui permet de différencier des expressions alternatives, c’est aussi un caractère typographique qui remplace parfois le trait d’union. Voilà qui synthétise bien la vie du slasher :
- Les activités s’altèrnent sans cesse : on passe d’un job à l’autre sans trop se poser de questions, encore et encore et encore.
- Et toutes ces actions entremêlées finissent par donner un sens nouveau à notre vie, par former un tout cohérent qui ne peut être défini correctement que par tous ces mots collés ensemble, tant qu’on n’a pas encore trouvé un génial mot scandinave qui décrit exactement ce qu’on ressent #hygge.
Et voilà qu’au détour d’une semaine où on se sent vidé.e, mais tellement plein.e à la fois, on s’étonne à créer des nouveaux métiers innovants en entremêlant nos activités existantes… parce qu’elles sont parfois bien plus proches qu’on ne l’imaginait : on se demande alors « Et si … » ?!
- Moi kiné, moi musicien.ne : et si je me spécialisais en kiné pour les musicien.ne.s ?
- Moi kiné, moi hypnothérapeuthe : et si je créeais des techniques d’hypnorééducation ?
- Moi coach, moi clown : et si je devenais clown d’entreprise ?
- Moi formateur.rice, moi comédien.e : et si je faisais un spectacle-conférence ?
- Moi fils.le d’agriculteur, moi gestionnaire passionné.e de vin : et si je créais mes vignes de Chardonnay ?
- Moi médecin, moi passionné.e de vin : et si j’ouvrais une œnothèque de vins 100% naturels ?
- Moi consultant.e en marketing et communication, moi comédien.ne : et si j’enregistrais des voix-off pour des pubs ?
- …
Des nouvelles activités, des nouveaux métiers, des nouveaux hobbies sont nés du tissage de mes compétences en ouvrages créatifs.
Vivre sa passion, est-ce la dénaturer ?
Si le fait de cumuler des jobs n’est pas chose nouvelle, le but était plutôt, à l’orgine, de boucler ses fins de mois en mettant un peu de beurre dans les épinards. Aujourd’hui, le principe de base des slashers, c’est d’exercer plusieurs métiers pour s’épanouir dans des vies professionnelles différentes.
Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie.
OK, merci Confucius … mais je te renvoie à mon article sur le bonheur au travail : on n’a pas toujours le choix. Et même si on avait toujours le choix, la vie est ainsi faite que tous les métiers ne sont pas rentables de la même manière. Si ce qu’on préfère dans la bouffe, c’est généralement ce qui fait grossir, la logique est la même avec le travail : c’est ce qui est le plus fun qui paie le moins…
Alors, je sais : « Mais Sylvain, l’argent ça n’est pas tout, il faut s’épanouir, n’as-tu pas toi-même réfléchi à ‘ton essentiel’ pendant le confinement de la crise Covid-19 … ?« , si si bien sûr… N’empêche que manger du riz et des pâtes au beurre tous les jours ne faisant pas partie de mon essentiel, le tout est de gagner suffisament que pour pouvoir vivre par rapport à tes projets personnels.
Ainsi, plus le temps passe, plus je suis convaincu que transformer une passion en métier, ce n’est pas un super plan. En effet, une passion c’est intrinsèquement positif, ça me procure de la joie et c’est quelque chose que je fais quand je le veux et ça me rend heureux. Mais tant que le travail restera la base de nos moyens de subsistance, son mode de fonctionnement (vendre de la force de travail dans le cadre d’un contrat de travail ou de prestation de services en échange d’une rémunération) est incompatible avec la notion si personnelle liée à la passion.
Ainsi, un.e comédien.ne devra « pour bouffer » sortir du travail de création pour faire de la publicité pour une crème anti-hémorroïdes, un.e danseur.se devra sortir du travail purement artistique pour faire du cabaret avec des plumes dans le c** ou des selfies avec des mioches à Disney Land Paris déguisé.e en Tic ou en Tac, un.e traiteur devra sortir de la créativité de ses petits-plats pour automatiser des préparations de masses et faire des économies d’échelles, un.e yogin.i devra animer ses cours plusieurs fois par jour avec ou sans gueule de bois, un.e clown devra faire rire même quand il.elle est triste, un.e écrivain.e devra écrire des pages ou des piges à perte de vue, et ce sans style mais en favorisant le référencement naturel et avec un titre clickbait si possible … N’ai-je alors pas prostitué ma passion ? Suis-je toujours si heureux et épanoui ?
If you’re good at something, never do it for free !
Bon, peut-être que le Joker dans The Dark Knight n’est pas la meilleure source d’inspiration… D’abord parce que ce personnage passe son temps à chercher le mal dans autrui, ce qui est peu enrichissant comme mode de vie, et puis parce qu’en fait, vous avez tout à fait le droit de faire don de vos compétences… Si si 🙂
A contrario, ça ne veut pas dire, qu’il ne faut jamais se faire payer. Et c’est bien là qu’être slasher peut m’aider à monétiser ma passion sans la dénaturer, puisque j’ai d’autres sources de revenus.
Diversification du risque
Des jobs différents, chez des clients différents et – qui sait – dans des secteurs différents : rien de tel pour réduire son risque.
Car si les banques voient d’un bon oeil un CDI, en réalité l’aspect « indéterminé » de ce contrat ne devrait en rien rassurer le prêteur… Les patrons n’ont plus beaucoup de remords à mettre fin immédiatement à la relation de travail, quitte à payer l’ensemble des indemnités d’un coup. Il faut dire que les travailleurs, de moins en moins loyaux, peuvent leur en faire voir de toutes les couleurs… Ainsi, si travailler pour un employeur à l’avantage d’assurer un revenu récurrent et périodique, on ne peut plus vraiment parler de sécurité d’emploi à l’heure actuelle. Or, l’emploi n’existe que s’il y a du travail … Ce bon vieux Covid-19 vient de nous le montrer : le chômage économique explose et la crise économique qui gronde annonce bon nombre de faillites de grands groupes (coucou Bruxelles Airlines) qui impacteront les travailleurs, mais aussi des faillites de petits commerces, qui impacteront les petits patrons.
C’est pourquoi Salvatore et moi avons l’habitude de dire que, quand on y pense, travailler pour quelqu’un, c’est faire confiance à cette personne pour qu’elle génère assez d’activité économique et qu’elle gère son entreprise suffisamment bien que pour nous rémunérer en bout de chaîne… Alors qu’entreprendre c’est se faire confiance pour générer assez de business que pour se payer soi-même.
Du coup, quand on y regarde de plus près, être slasher permet de :
- Être son propre patron, au moins en partie (en réalité, même si on a des bouts de contrats salariés, on voit alors ces employeurs comme des clients) : ce nous met dans une certaine dynamique managériale
- Diversifier ses clients / secteurs d’activités, évitant ainsi de mettre tous ses oeufs dans le même panier en cas de problème commercial, économique ou sanitaire.
A titre personnel, le coronavirus a eu un impact :
- Neutre, si ce n’est organisationnel, sur mes activités de recherche à HEC Liège et sur les cours que je donne (maintenant en ligne) à l’IFAPME > Revenus maintenus
- Négatif, sur mes activités de formation en freelance > Revenus perdus
- Positif, sur mes activités d’évaluation en ligne (pas encore, mais ce sont mes prévisions …) > Revenus gagnés
Au final, ma diversification du risque m’aura permis de m’en sortir plutôt bien pendant la pandémie (enfin je ne sors pas, je suis confiné) !
Mais attention, l’aversion aux risques pourrait bien créer des dérives si fortes à votre état de multi-statutaire, que vous pourriez à votre tour dénaturer ce fragile équilibre d’épanouissement et de rémunération dans vos diverses activités.
Car vous aurez beau varier les paniers dans lesquels vous mettez vos oeufs, encore faut-il faire confiance à vos paniers. Or, si vous avez toujours peur qu’un panier casse ou si vous cherchez toujours un nouveau panier plus grand et plus sûr pour mettre vos oeufs avant d’en abandonner un, vous allez vous retrouver à prendre toujours plus de projets, sans jamais en lâcher. #FaisCeQueJeDisPasCeQueJeFais.
S’éclater c’est bien, mais gare à ne pas se briser
Alors que vous aviez décidé de reprendre, de gré ou de force, votre autonomie. Alors que vous aviez choisi de vous réapproprier, en tout ou en partie, votre force de travail en organisant vous-mêmes vos activités commerciales. Alors que c’en était fini du patron qui vous dirait quoi faire. Alors que vous ne perdriez plus votre vie à la gagner… Alors . . . Alors, vous vous déséquilibrez en servant trop de petits clients ou trop peu de grands comptes, perdant ainsi votre autonomie. Vous travaillez tout le temps (et) en flux tendus, en sacrifiant ainsi votre maîtrise du bateau pour simplement le garder à flot au travers des remous du quotidien. Vous vous imposez de répondre par la positive à tous les projets et de ne surtout pas perdre les rentrées certaines et récurrentes d’argent, même si c’est mal payé, devenant ainsi votre propre bourreau. Alors . . . Alors, vous perdez toujours votre vie à la gagner la plupart du temps, mais l’impression fausse de faire vos propres choix passe de la pommade sur votre orgueil blessé et votre corps meurti … que vous n’écoutez plus tant vous êtes noyé.e dans le boulot.
N’oubliez pas non plus que le boulot, même si c’est en partie votre passion, c’est juste du taff. Et – ça va sembler fleur bleue – bosser n’est pas le plus important. Le plus important, c’est votre vie personnelle et votre famille. Alors je sais, un projet entrepreneurial, c’est comme un enfant : on se découvre des forces qu’on ne s’imaginait pas et une patience insoupçonnée, on peut ne pas dormir de la nuit et renoncer à ses loisirs habituels pour s’en occuper sans avoir l’impression de se sacrifier pour autant, car le centre de gravité de nos priorités a simplement changé. Mais si vous avez choisi d’entreprendre, c’est pour façonner une vie professionnelle à votre image, et celle-ci doit être cohérente avec votre vie privée.
Slashing surviving guide
Pour survivre au slashing, il faut donc avoir quelques cordes à son arc :
- Avoir une vision : le confinement n’est-il pas l’opportunité parfaite de trouver votre essentiel ? Cette vision n’est pas forcément uniquement relative à votre projet professionnel : une sorte d’objet social complexe et détaillé de votre activité de slasher. Cette vision peut tout à fait être orientée sur votre projet de vie personnel : verbaliser ce qui vous rend heureux comme train de vie, ce qui vous fait vibrer comme moments, ce qu’il vous faut exactement comme rentrées pour être bien maintenant et demain.
- Savoir dire NON : délimiter un cadre d’action et ne pas en sortir n’est pas chose facile. Ce n’est pas pour rien que les entrepreneurs passent tant de temps à définir leur Mission/Vision/Valeurs, car sinon on s’exténue à faire des choses qui sortent du scope de nos objectifs ou de ce qu’on veut vraiment faire au bout du compte.
- Avoir une équipe à la maison : entreprendre est aussi un projet de couple. Si votre moitié n’est pas d’accord avec un projet de vie tel que celui que vous envisagez, laissez tomber. Attention, on peut être d’accord sur le principe sans pour autant se rendre compte des réalités que ça implique et il est donc nécessaire de communiquer extrêmement bien sur l’ensemble des conséquences d’un tel choix : quand se réserve-t-on du temps ensemble ? Combien de temps ? Qu’en fait-on ? Que fait-on du temps séparés ? Qui fait quoi dans le ménage ? Qui s’occupe des enfants ? Qui gagne combien et qui paie quoi ? Quels sont les risques pour le ménage et comment les mitiger ? Quel signaux pour dire qu’on a besoin d’aide ou qu’on a besoin d’être seul.e ? Autrement dit, qu’est-ce qui est vécu comme un bon équilibre par les 2 (ou plus …) membres du couple ?
- S’équiper et s’organiser : votre valeur la plus précieuse, c’est le temps. Mais tout est fait pour occuper votre attention et, ainsi, vous voler un nombre incalculable d’heures… heures dont vous manquez cruellement en tant que multi-instrumentiste. Ne tombez pas dans les pièges des réseaux et tâches chronophages, de nombreux outils existent pour vous aider à effectuer vos actions supports rapidement, afin de vous concentrer sur l’essentiel.
Tool box
Dans un prochain article, je vous partagerai mes outils, trucs et astuces pour gagner du temps.